Et si la perte de sens au travail était une rupture rituelle non accompagnée ?
Cette fameuse quête de sens est une constante dans ma vie. Pas par inconformisme, ni par insatisfaction chronique, mais plutôt comme un fond sonore. On avance, on construit, on coche les cases : bac, études, diplôme, premier poste… Et puis, sans prévenir, hop ! ça déraille. Ou plutôt : ça bascule.
Chez moi, ces bascules sont venues par vagues : la vie active, la maternité, la trentaine, des deuils, la quarantaine, le climat, l’avenir… Ces secousses nous réveillent — et heureusement, j’ai envie de dire.
Et je suis loin d’être la seule à ressentir ce glissement :
Selon un sondage Anact / OpinionWay (2022), plus de 8 actifs sur 10 déclarent que leur travail a du sens. Pourtant, 4 sur 10 envisagent de quitter leur poste dans les deux années à venir, dans l’espoir d’en trouver un davantage aligné avec leurs valeurs. Une contradiction ? Je dirai plus une tension, celle de vivre un « entre deux ».
Ce paradoxe est devenu omniprésent. Selon une étude Chance / YouGov, 63 % des Français estiment que leur travail manque de sens et leur prend trop de temps. Cela ne dit pas seulement quelque chose sur le désengagement. Cela révèle un besoin de se réaligner, de s’écouter — un besoin d’intériorité que la cadence actuelle empêche souvent de nourrir. Le Baromètre Unédic / Elabe (2023) rappelle que le travail reste un pilier de vie pour 81 % des Français. C’est dire à quel point cette quête de sens n’a rien d’accessoire : elle est vitale.
D’un point de vue anthropologique, cette perte de sens peut être lue comme le résultat d’un passage non accompagné. Les grands moments de la vie — naissance, puberté, mariage, deuil — sont encadrés depuis toujours par des rituels : gestes symboliques, mots partagés, temps de transition. Ces repères aident à faire sens, à intégrer le changement, à ancrer une transformation. Sans eux, le passage devient une fracture.
Dans le monde professionnel, ces rites ont disparu. Ou ont été réduits à des formalités administratives. On le voit dès le premier jour d’un collaborateur : l’onboarding. Ce moment clé est souvent négligé. Selon une étude Ipsos pour Workelo (2024), un tiers des salariés quittent leur poste avant la fin de leur période d’essai. En cause : l’absence d’accueil structuré, humain, signifiant. Ce n’est pas un caprice. C’est une attente profonde de repères, de reconnaissance, de lien.
Et si les entreprises échouent à ritualiser les moments de passage — embauche, évolution, départ — ces instants deviennent alors des chutes silencieuses. Des pertes de sens que l’on tait, faute de mots pour les nommer.
Dans mon propre parcours, j’ai compris que la bascule n’est pas un accident. Elle peut être une invitation à retrouver du sens, à réécrire une trajectoire devenue étrangère. Changer de voie, ralentir, reconfigurer ses priorités : ce n’est pas fuir. C’est oser revisiter ses repères. Le temps, l’argent, la réussite, le collectif, le corps, parfois même la spiritualité. Ce processus est profondément personnel. Mais les entreprises ont un rôle à jouer.
Non pas pour retenir les talents à tout prix, mais pour accompagner les transformations. Pour ritualiser les passages, redonner de la valeur symbolique à ce que vivent les individus. Pour éviter que les ruptures ne deviennent des fuites.
Et si l’on se formait à accueillir les bascules ?
Je ne parle pas ici de « soft skills » supplémentaires, mais d’une compétence à part entière :
- Accompagner les transitions.
- Savoir accueillir un nouvel arrivant.
- Célébrer un changement de poste.
- Encadrer un départ, un retour de congé, un passage à vide.
- Créer des espaces où l’humain est vu, entendu, reconnu.
Ce ne sont pas des gestes superflus. Ce sont des actes de sens.
Le rôle des RH devient essentiel aujourd’hui. Il ne s’agit plus seulement de recruter, d’évaluer ou de retenir, mais d’honorer. De ritualiser. De donner du relief à la vie au travail. D’accompagner les transitions professionnelles comme les passages de vie qu’elles sont, en réalité.
Car au fond, ce n’est pas le travail qui manque de sens.
C’est l’accompagnement.
C’est le cadre.
Ce sont les rituels.
Ce sont les silences… qu’on ne prend pas la peine de remplir.
Mar Escribano Quiñonero
Experte en environnement de travail

Le KPI que (presque) personne ne pilote vraiment
« Cela fait plus de quinze ans que je travaille dans le conseil en transformation, et depuis le tout début, j’entends parler de performance… »
PARIS DESIGN WEEK 2025
Venez découvrir « Ctrl(R) », une exposition où l’art dialogue avec la matière, et où la création révèle de nouvelles façons de penser le design.
Aménager c’est manager !
Dans une entreprise en pleine transformation, Sophie, une manager dynamique, se trouvait face à une multitude de défis…
(SHOULD I) STAY OR (SHOULD I) GO !
Une stratégie immobilière, ce n’est pas nécessairement un déménagement. Cela passe avant tout par des questionnements.
Artdesk & CDB deviennent S1.ngular
Depuis le 18 septembre 2024, Artdesk & CDB deviennent S1.ngular !